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Publié le 12/09/2022

Entretien avec Noémie Weber - "Le Monde des animaux perdus"

Un récit à hauteur d'enfant pour accompagner la perte des compagnons à poils, à plumes ou à écailles...

Le Monde des animaux perdus

Le Monde des animaux perdus est la touchante histoire de l'amour d'une petite fille pour son poisson rouge. Vous interrogez avec ce récit notre rapport aux animaux, en particulier domestiques.
Pour moi, les animaux domestiques sont un peu comme des personnes, je pense qu'on peut avoir une réelle histoire d'amitié avec un animal, en particulier quand on est enfant. Person­nellement, j'ai quinze chats, et chacun d'eux a une personnalité bien à lui !
En tout cas, adopter un animal, quel qu'il soit, c'est une vraie responsabilité dont beaucoup de gens ne sont pas assez conscients. On n'abandonne pas un animal qu'on a adopté. On ne le fait euthanasier que s'il est en fin de vie et qu'il souffre, pas parce qu'on a la flemme de le soigner, ou pas assez d'argent, ou qu'on ne sait plus quoi en faire car nos conditions de vie ont changé. J'estime que ce qu'on ne ferait pas à un être humain, on ne doit pas le faire non plus à un animal domestique.

Pourquoi avez-vous eu envie de travailler sur les thèmes de la disparition, de la mémoire qui se dissout, des liens qui s'effacent ?
En fait, quand je commence un projet, je ne me dis jamais que je vais travailler sur telle ou telle thématique. C'est sou­vent un détail, une idée qui surgit au détour d'une conversation, une image qui s'impose à mon esprit, qui donne l'impulsion. Ensuite, la nécessité de donner de la substance à l'histoire fait émerger une ou plusieurs thématiques.
Pour ce projet, j'avais envie de racon­ter quelque chose autour des toilettes, de l'aspect mystérieux qu'elles peuvent avoir pour un enfant : qu'est-ce qui se passe à l'intérieur ? Où mènent-elles ? Est-ce que des créatures vivent dedans ? J'avais pensé d'abord à un monstre ou un fantôme qui aurait surgi des toilettes et aurait emporté l'enfant avec lui. Ensuite, j'ai pensé au poisson jeté dans les toilettes, puis aux animaux perdus en général, ce qui a amené les thèmes du deuil et de l'abandon des ani­maux de compagnie. La question de la mémoire qui se dissout est venue parce que j'ai noté qu'il y avait un parallélisme entre le voyage d'Elsa à la recherche de son poisson et le mythe grec d'Orphée aux Enfers. Et dans les Enfers grecs, il y a le Léthé, le fleuve de l'Oubli.

Quelles sont vos sources d'inspiration littéraires et artistiques ?
Comme je l'ai dit plus haut, il y a des références au mythe d'Orphée, et, dans une moindre mesure, à l'Enfer de Dante: le Lac des Ombres, la scène dans le brouillard qui évoque les limbes. En ce qui concerne la littérature, j'ai éga­lement puisé dans L'Île au Trésor de Stevenson et dans Les Animaux célèbres de Michel Pastoureau.
Pour les inspirations artistiques, je dirais que les deux principales sont la bande dessinée Philémon de Fred et les dessins animés de Miyazaki. La double-page avec le hamster géant est une référence directe à une page de Simbabbad de Batbad, un épisode de la série Philémon. Je n'ai pas tout de suite compris pour­quoi j'avais imaginé un petit garçon japonais comme protagoniste de l'histoire, n'ayant pas de fascination particulière pour la culture japonaise ni aucune connaissance de la langue. Mais dans mon esprit, il ne pouvait qu'être japonais, et je me suis rendu compte que c'était parce que mon histoire me faisait un peu penser à celles de Miyazaki.

Ce récit est lisible par les enfants, mais aussi par les adultes. Comment avez­-vous travaillé pour que ce texte parle à tous ?
À l'origine, je voulais vraiment faire une bande dessinée destinée à des enfants très jeunes. Je visualisais le voyage d'Elsa comme une suite de tableaux, de rencontres se succédant avec la contingence propre aux histoires destinées aux petits : il se passe une chose, et puis une autre, et puis une autre, sans qu'il y ait forcément de lien entre ces choses. Mais en fait, je ne sais pas raconter comme ça ! Très vite, j'ai eu peur de tomber dans une narration trop mono­tone et j'ai ressenti le besoin d'ajouter des implications, de la causalité, une finalité et un « message » à l'histoire. Ce qui au final donne une bande dessinée un peu hybride, avec une histoire assez enfan­tine mais un traitement narratif plutôt « adulte ». J'espère que les petits et les grands y trouveront chacun leur compte. 

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