Actualité
Publié le 14/10/2024
Entretien avec Guillaume Long - "À boire et à manger, 5"
La référence des livres de cuisine mêlant humour et bande dessinée !
Cela n’a pas été trop difficile de vous remettre à boire et à manger, après sept ans de jeûne ?
Si ! Même si je n’ai pas complètement arrêté À boire et à manger (ABAM) durant cette période, j’étais au ralenti, surtout avec la naissance de mes deux enfants.
J’ai alimenté mon blog ABAM, hébergé par Le Monde, avec quelques posts par an.
C’est le confinement qui m'a remis le pied à l’étrier. J’étais dans la maison de mes parents, dans la Drôme, et j'ai recommencé à faire des recettes, ce qui m’a aussitôt donné envie de sortir un nouveau livre.
Ensuite il a fallu trouver le temps de le faire…
Que trouve-t-on dans ce cinquième tome de la série ?
C’est une compilation d’histoires du blog qui n’avaient pas été publiées jusque-là – le tome 4 est à part, je l’ai réalisé avec une cheffe lyonnaise – et de nouvelles histoires.
Avez-vous fait appel à des sponsors pour votre livre ?
Il y a une chanson publicitaire sur un fromage d’apéritif en cubes, par exemple…
Ha, ha, non, ce n’est pas du placement de produits… Cela vient de mon goût pour la culture populaire : j’ai grandi dans les années 1980 et j’aime bien glisser quelques références à cette époque.
Dans le même esprit, j’adorais enfant les albums de Léonard, en particulier les minuscules dialogues entre le chat et la souris, presque en aparté de la planche de gag, que l’on pouvait lire ou pas. J’utilise beaucoup ce procédé dans ABAM, avec des Easter eggs en arrière-plan du propos principal. Même s’il n’y a qu’une poignée de gens qui captent mes références, cela me va… c’est comme une récompense de lecture.
N’est-ce pas prendre le risque de ralentir la lecture ?
C’est l’objectif ! J’aime bien les livres où il faut fouiller. Dans mes dessins, tous les détails ont un sens. Dès l’avant-propos de ce nouveau ABAM, on voit mon fils dessiner Star Wars, par exemple, et des objets qui sont réellement sur mon bureau.
En tant qu’auteur, je passe beaucoup de temps à réaliser une bande dessinée, je m’efforce donc de faire en sorte que la lecture dure suffisamment longtemps, sinon c’est frustrant !
Si vos recettes sont réelles, qu’en est-il des anecdotes ?
Les recettes ont besoin d’être mises en scène, cela participe à la transmission.
Pour cela, il me faut un bon angle d’attaque. Il y a des histoires authentiques, comme celle du gâteau au chocolat où je relate la rencontre avec ma femme.
D’autres sont arrivées à des amis. Je me mets souvent en scène : c’est plus pratique, et c’est aussi pour montrer que si je réussis à faire une recette, tout le monde peut y arriver – ma femme, qui est une ancienne cuisinière professionnelle, rigole souvent en me voyant cuisiner… Ceci dit, certaines scènes qui sonnent très vrai sont pure imagination : par exemple, il n’a jamais été question que je jette mon moulin à ail !
Qu’est-ce que la rencontre avec votre femme a changé dans votre façon de cuisiner ?
Elle est italienne, il y a donc beaucoup plus de recettes de pâtes ! Elle m’a aussi influencé dans la rigueur : avant je faisais un peu tout sans y prêter beaucoup d’attention… Elle m’a appris à gagner du temps sur chaque geste, comme de couper les légumes à proximité de la poubelle. Et c’est à elle que je dois de réussir systématiquement la mayonnaise, dont je donne le secret dans ce tome.
Nous avons aussi fait de la recherche & développement ensemble pour améliorer sa recette de tarte au citron meringuée.
Elle l’a réalisée une fois par mois pendant un an, je goûtais la tarte en signalant les points à améliorer pour arriver à la meilleure tarte au citron meringuée du monde.
À la différence des livres de recettes classiques, vous n’indiquez pas les temps de préparation ou de cuisson…
Je reste volontairement flou, car c’est très variable d’une personne à l’autre, d’un four à l’autre… Ou parfois je donne des indications de grammages très précises, comme 396g de viande, pour singer les livres de recettes. Je veux faire en sorte que les gens se détachent des injonctions comme le temps de cuisson des pâtes indiqués sur les paquets – goûtez, plutôt ! – et des belles photos des plats réalisées en studio. C’est pour ça que je ne dresse pas mes plats, ils ressemblent souvent à des amoncellements inesthétiques.
J’espère déculpabiliser tout le monde avec mon gâteau au chocolat moche (mais bon).
Comment choisissez-vous l’ordre des recettes, au fil des saisons ?
J’ai beaucoup travaillé sur la cohérence des histoires. J’ai alterné le salé/sucré, et fait en sorte de ne pas mettre que des recettes de légumes à la suite, par exemple.
Quels aliments sont particulièrement difficiles à dessiner ?
Les filets d’anchois, l’ovale bombé d’un œuf… je « tippexe » souvent mes œufs.
Vous dessinez sur papier ?
Oui, je dessine tout à l’encre sur papier, avant de scanner mes planches pour les peaufiner à l’ordinateur. Le scénario est constitué de phrases descriptives et de la recette, le tout sur une demi-page.
Quand j’attaque le dessin, j’improvise mes histoires. Le fait que je dessine plus lentement sur papier me laisse le temps pour l’écriture des dialogues, qui sont plus importants à mes yeux que le dessin.
Des adjectifs bien choisis, un bon rythme, voilà ce qui fait une bonne recette.
Comment rendez-vous vos pages appétissantes ?
Cela passe par les couleurs avec par exemple l’utilisation de reflets : c’est cela qui donne cet aspect huileux aux sangliers dans les albums d’Astérix (des réminiscences de mes lectures de jeunesse). Un autre souvenir de cuisine en bande dessinée : la recette du coq au vin utilisée comme torture par le Doktor Kilikil dans une histoire de Spirou de Greg et Franquin intitulé QRN sur Bretzelburg.
Comment une bande dessinée peut-elle séduire face à des milliers de comptes Instagram dédiés à la cuisine ?
Je me suis posé la question. Pour avoir testé des recettes sur ces comptes, je peux dire que beaucoup sont décevantes par rapport à ce qui est filmé. La promesse que tout sera rapide avec un effet « waouh » n’est pas tenue. Alors que moi, je promets Des recettes simples mais… qui ont du goût !
Sans oublier l’humour : c’est le sel de votre album, l’ingrédient qui relève les plats ?
Oui, j’essaie de faire du bon divertissement : ABAM est un livre de recettes qui sort de la cuisine, on peut le lire tranquillement au lit, juste pour se marrer.